« Cela vaut le coup de se battre »

La porno-dépendance… Pour moi, cela faisait plus de 25 ans, plus des 2/3 de ma vie… Un numéro de téléphone rose donné par des camarades de classe (j’étais en sixième) sous forme de défi : « qui osera appeler ? » Malheureusement moi ! Puis des histoires pornographiques sur minitel, consultations de magazines dans les rayons de magasins… La machine infernale était en route. « Aucun milieu n’est épargné » m’a-t-on dit dernièrement et pourtant des années et des années, je me suis crue le « seul et unique vilain petit canard » Je suis la 4ème enfant d’une famille unie, des parents qui s’aiment, des frères et sœurs aimants et tout cela dans un climat de prière. Nous allons à la messe tous les dimanches, à des sessions animées par des communautés nouvelles durant les vacances, faisons la prière du soir en famille. Bref ! La famille « parfaite ! » Dans cette famille, la petite dernière que je suis est choyée, aimée et protégée. Puis vient l’heure du collège et l’arrivée à la « ville » la plus proche et là, la belle petite bulle n’est pas assez solide pour résister aux agressions extérieures…

Commence alors une double vie, la vie de « petite fille parfaite » au grand jour et la consommation de pornographie de temps en temps puis de plus en plus souvent et de plus en plus « choquant ». A cette époque, je me confesse en moyenne une à deux fois par an mais je n’ai pas encore vraiment « goûté » la Miséricorde de Dieu. En parler à un prêtre en confession ? Surtout pas ! Tout le monde saurait qui je suis vraiment et plus personne ne m’aimerait en me connaissant vraiment ! Et puis, comme je suis une fille, cela me parait encore plus horrible et honteux… Les garçons consomment de la pornographie oui, c’est un fait connu (voire même normal aux yeux du monde) mais les filles non ! Et puis, les « cathos » ne touchent pas à ça… Encore plus l’impression d’être la seule « bête noire » ! En plus, les prêtres sont des hommes…. Célibataires…. Ils ne peuvent pas comprendre ! A l’âge de 15-16 ans, j’ose pour la première fois en confession aborder la question de la sexualité avec un prêtre mais je préfère lui avouer un faux péché (avoir eu des relations avec plusieurs garçons) que lui dire la vérité… Ca me parait moins pire et surtout plus « normal » ! Je ressors de cette confession avec toujours le même poids sur le cœur…

Dix ans plus tard, je fais une rencontre personnelle très importante avec le Seigneur… Et si le Seigneur m’appelait à la vie religieuse ? Ma vie spirituelle se structure, je trouve un père spirituel et, amoureuse du Seigneur, toute ma vie s’organise autour de Dieu et je ne consomme pas de pornographie durant deux ans. Je me sens guérie définitivement… Trop ! Car vient alors une difficulté sur mon parcours, l’impression que Dieu m’a abandonnée et l’envie de « tester » ma guérison me prend. Que se passerait-il si je ne revoyais ne serait-ce qu’une image ? Malheureusement, je rechute ! Je commence ensuite à avouer ce péché en confession et me confesse un peu plus souvent mais je choisis des prêtres loin de chez moi, que je ne connais pas et que je n’aurai jamais l’occasion de revoir. Je me confesse « vite fait » et je passe à autre chose. Je ne me sens pas jugée par ces prêtres mais pas accompagnée non plus étant donné que je ne les vois qu’une seule fois. Ils « effacent l’ardoise » et c’est tout !

Puis, lors d’un camp, je me sens poussée à aller me confesser bien que le seul prêtre présent soit celui avec qui je viens de passer 3-4 jours et avec qui j’en passerai encore 2-3 jusqu’à la fin du camp. Je ne suis donc pas une anonyme pour lui. Mais, dans l’après-midi, ce prêtre avait donné un enseignement sur le Pardon et j’avais été touchée. Là, je me confesse en vérité, et le prêtre m’avoue avoir également eu des soucis avec la pornographie et que, s’il lui arrive de rechuter, il ne perd pas espoir mais continue à se battre encore et toujours. Cette confession est un déclic pour moi. Tout d’abord car le regard de ce prêtre sur moi ne change pas durant les derniers jours du camp bien qu’il sache. De plus, je continue à voir cet homme comme un « très bon » prêtre et je réalise que la personne ne peut pas être vue que par son péché. Je ne suis pas que « consommatrice de pornographie », je fais aussi de belles choses. Cette expérience m’aide aussi à me confesser plus souvent de ce péché mais je continue à choisir des prêtres que je ne connais pas.

Un jour, je me sens pourtant poussée à me confesser auprès d’un prêtre bien que j’aie souvent l’occasion de le voir sur la paroisse. Comme lors de la confession vécue en camp, je sens que son regard sur moi ne change pas et qu’il ne voit pas uniquement mon péché mais également ma volonté de m’en sortir et de me relever à chaque rechute. Et même, il m’encourage en voyant ce qui est positif dans ma démarche et que moi-même, j’ai du mal à voir. Il y a 1 ou 2 ans, un ami met sur sa page facebook, une pub pour le livre du parcours « libre pour aimer ». Je l’achète mais ne me sens pas prête à demander de l’aide. Je fais donc le parcours seule mais, je ne vais pas jusqu’au bout et, à la première difficulté rencontrée, je reprends ma consommation.

Il y a quelques mois, une conférence sur la pornographie a lieu dans ma ville avec présentation du parcours. Là, après le témoignage d’un couple dont lui est un ancien porno-dépendant, le conférencier présente le parcours et insiste beaucoup sur l’importance d’être accompagnée. J’entends bien le message mais… à qui demander ? Il n’est pas évident de se confier sur ce sujet. J’ai pris mon courage à deux mains et ai demandé au prêtre auquel j’ai pris l’habitude de me confesser (et qui connaissait donc bien mon problème) d’être mon parrain pour ce parcours. J’ai fait le parcours en 2 mois et demi (4 à 5 étapes par semaine).

Aujourd’hui, il y a quelques mois que j’ai terminé le parcours et suis abstinente depuis ! Le parcours m’a beaucoup aidée sur plusieurs points :

  • L’accompagnement qui m’a permis de tenir dans la durée jusqu’au bout des 40 étapes. Rencontrer mon parrain une fois par semaine « m’obligeait » à travailler des étapes entre chaque rencontre et mon parrain m’encourageait au fur et à mesure en mettant en valeur le chemin parcouru. Nos échanges m’ont aidée à sortir de mon enfermement et à retrouver l’espérance. Mon parrain croyait en la possibilité de m’en sortir et a réussi à m’y faire croire à nouveau !
  • la logique du parcours. Ce livre a encouragé une relecture poussée de ma vie, ce qui est bon et ce qu’il l’est moins. Le parcours m’a ensuite donné plusieurs outils pour, pas après pas, changer mes mauvaises habitudes et les remplacer par de plus saines.
  • La durée du parcours : 40 étapes, c’est à la fois peu donc accessible et pourtant cela m’a demandé plus de 2 mois (je travaillais en moyenne 4 étapes/semaine). Ce temps m’a été nécessaire pour « ancrer » certains changements dans ma vie. On ne change pas ses mauvais plis en quelques jours…
  • la diversité des textes proposés (textes scientifiques, témoignages, textes d’Église, textes bibliques…). Le parcours aborde les différents aspects de l’homme : le corps, l’intelligence, l’âme. Cela m’a aidée à « consolider » mon unité. Un esprit sain(t) dans un corps sain !
  • la présentation du livre : chaque étape est agrémentée d’un dessin humoristique et la présentation du livre est bien faite. La lecture en est facilitée et agréable.

Vous hésitez ? Lancez-vous ! Sortir d’une dépendance est un combat et ce n’est pas tous les jours facile mais cela vaut le coup de se battre ! Ne laissez jamais personne vous persuader que c’est impossible. Gardez l’espérance ! Priez, criez vers Dieu, puisez dans Sa Miséricorde ! Et faites-vous aider (parcours, accompagnement,…). Bonne route !

Claire, 38 ans