25e jour : la curiosité, premier degré de l’orgueil

Le premier degré de l’orgueil est la curiosité (St Bernard)

Vous la reconnaîtrez à ces signes. Si vous voyez un moine dont jusqu’alors vous étiez parfaitement sûr, commencer, partout où il se trouve, debout, en marche ou assis, à tourner les yeux de côté et d’autre, à lever la tête et à avoir l’oreille au guet, tenez pour certain que ces changements extérieurs sont le signe d’un changement intérieur.  Cette agitation inaccoutumée du corps est l’indice d’une maladie de l’âme qui débute et qui la rend moins circonspecte, insouciante de ce qui la concerne et curieuse, au contraire, de ce qui a rapport aux autres. Or, de même que la mort est entrée dans le monde par le péché, ainsi entre-t-elle dans l’âme par les yeux et les oreilles. C’est donc à les nourrir que l’homme curieux s’occupe, pendant qu’il néglige de rechercher ce qu’il est dans son cœur, où il s’est laissé lui-même.

Ecoute donc, ô curieux, ce que dit Salomon. Insensé, prête l’oreille aux paroles du Sage : « Appliquez-vous, dit-il, avec tout le soin possible, à la garde de votre cœur (Prov. 4, 23). » C’est-à-dire, que tous vos sens veillent sur celui d’où coule la vie et le gardent : Dieu.

 

Le choix de la sobriété (Jean-Baptiste et Marie-Laure)

Nous sommes partis en mission à l’étranger dans un pays pauvre, avec un organisme catholique de coopération internationale. Cela nous a amenés à vivre dans un dépouillement matériel certain. Nous nous sommes rendus compte que cette simplicité de vie ne nous pesait pas. D’une part, elle était choisie, et d’autre part, là où nous étions, il n’était pas pensable de vivre autrement. Nous étions entourés de gens qui subissaient une pauvreté très dure, et qui malgré cela, vivaient avec le sourire et dans l’espérance du lendemain. Cela nous a fait pointer du doigt les excès dans lesquels vivent nos sociétés occidentales et l’esclavage consumériste qui peut en découler. Quelques semaines après notre arrivée, notre fille aînée, 9 ans, nous dit: « C’est drôle, ici notre frigo est presque vide, et pourtant, on ne manque de rien. C’est en France qu’on avait trop. » Ce regard d’enfant sur « manquer de rien » nous a d’autant plus touchés que par rapport à leur vie en France, nos enfants avaient beaucoup moins de choses.

Alors comment tirer les leçons en rentrant en France ? Il ne s’agit pas de tout rejeter en bloc, mais de se recentrer sur l’important et de ne pas succomber à la tentation des vitrines bien garnies de notre société. C’est un défi permanent : vivre avec son temps, mais garder un œil critique capable de discerner ce qui nous fait grandir et ce qui nous avilit. Il y a peu de temps, comme Jean-Baptiste disait à quelqu’un qu’il n’avait pas de téléphone mobile, la personne s’est écriée : « Oh, tu as de la chance! »

Est-ce nécessaire d’avoir un frigidaire qui déborde? Nous avons décidé que non. Il est bon de temps en temps de manquer de beurre ou de café pour nous rappeler que c’est une chance d’en avoir tous les jours. Nos enfants notamment ne grandiront pas mieux avec un ordinateur dans leur chambre ou avec un téléphone mobile. Nous nous sentons heureux dans nos choix parce que nous nous sentons libres. Il ne s’agit pas de vivre dans l’austérité, mais juste d’être dans la mesure. Les petits plaisirs sont bien là, mais à aucun moment nous ne nous sommes sentis obligés d’acheter quelque chose. Alors, sommes-nous « sobres » ? Difficile à dire, mais nous essayons tous les jours de poser des choix qui vont nous permettre de rester maîtres à bord.

(Témoignage publié par Il est vivant n° 299, décembre 2012)

 

Quand l’objet du désir devient une idole (Benoît XVI)

Quand l’objet de mon désir prend toute la place, il devient une idole, au sens biblique. Dans  la Bible, le peuple de Dieu est confronté à des pratiques de peuples païens qui vénéraient des « idoles », divinités qui étaient des objets (petites statues), en leur conférant des pouvoirs magiques. Dieu interdit à son Peuple de vénérer de telles idoles car elles l’éloignent de la foi et le conduisent à la mort.

Les faux « dieux », quels que soient le nom, l’image ou la forme que nous leur attribuions, sont presque toujours liés à l’adoration de trois réalités : les biens matériels, l’amour possessif, le pouvoir. Laissez-moi vous expliquer ce que je veux dire.

Les biens matériels, en soi, sont des choses bonnes. Nous ne survivrions pas longtemps sans argent, sans vêtements et sans logement. Pour vivre, nous avons besoin de nourriture. Mais, si nous sommes avides, si nous refusons de partager ce que nous avons avec l’affamé et avec le pauvre, alors nous transformons ces biens en une fausse divinité. Combien de voix, dans notre société matérialiste, nous disent que le bonheur se trouve en s’appropriant le plus grand nombre possible de biens et d’objets de luxe ! Mais cela signifie transformer les biens en fausses divinités. Au lieu de donner la vie, ils donnent la mort.

L’amour authentique est certainement quelque chose de bon. Sans lui, la vie serait difficilement digne d’être vécue. L’amour réalise notre aspiration la plus profonde ; et quand nous aimons, nous devenons plus pleinement nous-mêmes, nous devenons plus pleinement humains. Mais comme il est facile de transformer l’amour en une fausse divinité ! Souvent, les gens pensent aimer alors qu’en réalité, ils tendent à posséder l’autre ou à le manipuler. Parfois, les gens traitent les autres comme des objets pour satisfaire leurs propres besoins plutôt que comme des personnes à apprécier et à aimer. Comme il est facile d’être trompé par les nombreuses voix qui, dans notre société, défendent une approche permissive de la sexualité, sans prêter attention à la pudeur, au respect de soi et aux valeurs morales qui confèrent aux relations humaines leurs qualités ! C’est là adorer une fausse divinité. Au lieu de donner la vie, elle donne la mort.

Le pouvoir que Dieu nous a donné de façonner le monde autour de nous est certainement quelque chose de bon. Utilisé d’une façon appropriée et responsable, il nous permet de transformer la vie des gens. Toutes les communautés ont besoin de bons dirigeants. Mais combien est forte la tentation de s’attacher au pouvoir pour lui-même, de chercher à dominer les autres ou d’exploiter le milieu naturel pour ses propres intérêts égoïstes ! C’est là transformer le pouvoir en une fausse divinité. Au lieu de donner la vie, cela donne la mort.

Le culte des biens matériels, le culte de l’amour possessif et le culte du pouvoir conduisent souvent les gens à « se comporter comme Dieu » : chercher à assumer un contrôle total, sans prêter aucune attention à la sagesse et aux commandements que Dieu nous a faits connaître. C’est là la route qui conduit à la mort. Au contraire, l’adoration de l’unique et vrai Dieu signifie reconnaître en lui la source de tout ce qui est bien, nous confier à lui, nous ouvrir à la force de guérison de sa grâce et obéir à ses commandements : là est la route de la vie.

(Benoit XVI, Sydney, discours à des jeunes ex-drogués, 18 juillet 2008)